En cette soirée exceptionnelle d’hommage aux résistants au joug nazi qui voit l’entrée au Panthéon de Missak et Mélinée Manouchian avec 22 autres acteurs de cette époque douloureuse, j’ai souhaité partager ce texte écrit “à chaud” par mon grand-oncle Jules LINAIS.
Jules Linais, engagé volontaire Franc-Tireur-Partisan Français, témoigne dans le livret qu’il écrit dès 1945 sur la Résistance Fougerollaise … et ses martyrs, imprimé par L’IMPRIMERIE MAYENNAISE cette même année.
“Fougerolles-du-Plessis
29 août 1944
Triste nouvelle !
On nous annonce la découverte de cinq cadavres enfouis après fusillade dans la forêt de Bourberouge, près de Mortain. Raymond Derenne, Jules Linais vont ensemble voir les corps retirés de leur fosse, dans la carrière près du château.
Tous deux reconnaissent dans l’un des corps celui de Julien Derenne notre chef de Groupe.
Trois autres corps sont reconnus comme étant ceux de :
Victor Fréard.
François Bostan.
François Genevée.
Ils sont reconnus par Mme V. Fréard et Mme Genevée F.. leurs femmes !
Puis M. Guérin, patron de Bostan, reconnait le cadavre de celui-ci.
Les corps sont ramenés à Fougerolles et pendant 48 heures la veillé d’armes sera assurée par les F.F.I. le 5ème corps fut reconnu par la suite pour celui de Joseph Hilliou, résistant de Champ-du-Bout (Calvados).
Souvenirs
Qui n’a pas connu ces moments terribles de la reconnaissance des corps de fusillés ne peut s’imaginer l’angoisse qui nous étreignait en cette soirée d’août 1944.
Nous étions quatre dans la chapelle d’un petit bourg normand qui avait connu la bataille. Fatigués par l’attention, anxieux, nous restions là interdits.
Auparavant, il avait fallu en forêt examiner trois corps arrachés à la terre par un gars courageux, malgré l’odeur insupportable de ces pauvres cadavres déchiquetés par les balles boches.
Aucun indice à première vue qui puisse nous servir de point de départ. Nous étions presque rassurés.
Quand … hélas ! on apporta un mouchoir à Raymond. Des sabots furent examinés. Mais cela ne voulait rien dire, chacun d’entre nous essayait de persuader on voisin : un mouchoir, des sabots, il en est tant qui se ressemblent !
Alors de retour dans la petite église., les deux pauvres corps allaient nous livrer leur secret et par la , celui des trois autres ?
Il fallait savoir. Nous hésitions ! La peur de reconnaitre l’un des nôtres nous glaçait ! La nuit était venue une simple bougies éclairait la scène.
Soudain l’un de nous eu l’horrible impression de reconnaitre le premier corps ! Ce colosse blond dont le cadavre dont les marques de souffrance, gardait une impression de force et de jeunesse : c’était…
Une hésitation pourtant ! Voyons ce veston qu’il porte nous semble vert, sa maman, son frère son formels, le sien est marron, ce n’est pas lui ! En tremblant il nous faut retourner le corps, découper un morceau d’étoffe : qu’elle couleur ? Marron !
Et cette dent caractéristique à la mâchoire ! Et ce front large ! Enfin ce mouchoir ! Et ensuite tous ces petits indices que nous découvrons !
Mon dieu est-ce possible ! L a sueur de l’angoisse nous glace !
Son frère ne peut plus douter, devant nous c’est le corps de notre Julien ! Et devant la triste évidence , le courageux petit Raymond n’a que ce pauvre mot : pauvre exclamation qui nous vient aux lèvres devant quelque chose qui s’effondre, pauvre mot impuissant : ” Oh ! est-ce possible ! “
Alors dans la petite église de Saint-Jean-du-Corail, tous les quatre, comme des gosses, nous nous sommes mis à pleurer !
Un camarade épargné.”