Les Canaries par Sylvain

1) voyage d’étude : du canular ou du cochon ?

Objet : voyage d’étude

Cher Alain,

Mon voyage d’étude sur le tourisme dit (péjorativement) de masse se déroule bien.

eaubleu

eaubleu

Tu imagines comme il m’est difficile de supporter les trois piscines de l’Aparthotel Lanzarote Gardens (c’est marrant, le correcteur d’orthographe propose « Apartheid » à la place d’ « Aparthotel » !!), ses excursions en bus climatisé dans la journée, ses langoustes le soir.
Que le matelas en duvet d’oie est dur à l’aventurier de l’extrême qui sommeille en tout Capversien !

Cependant, je fais front avec courage. Et ne cherche pas à tirer des larmes à nos chers adhérents. La fonction d’administrateur à ses responsabilités et ses difficultés. Nous le savions. Je n’oublie pas que notre ambition est bien que Laval devienne un « centre de réflexion sur le tourisme mondial ».

Comme nous l’avions convenu concernant la rédaction de notre rapport sur le tourisme de masse dans les îles Canaries, je te laisse écrire la partie sur le tourisme à bas prix en te basant sur ton voyage FRAM d’il y a une dizaine d’années. Je me concentrerai sur le tourisme plus luxueux.

Mes frais commencent à être élevés et je t’envoie en PJ mes factures.
Pourrais-tu m’adresser rapidement un mandat, au nom de Cap vers. Pour ce faire, je te suggère de faire rentrer au plus vite les cotises 2004 (y compris l’arriéré de cotise 2003 de Xxxxçxxx).
Je dois en effet poursuivre mes investigations du côté de la plongée sous-marine, des raids en 4×4 et autres boutiques de luxe duty-free.

Je te laisse, le devoir m’appelle (apéritif à la papaye),

Le vice-président.

PS : je suis sur un super plan d’achat d’un appartement partagé : plage et centre commercial à deux pas. Idéal pour les séminaires Cap vers. Je te donnerai plus d’infos pour effectuer le virement.

2) A la recherche de l’arrière-pays perdu

Ténérife

Ténérife

Ténérife, îles Canaries, un avant-goût d’arrière pays

Vice-président-aventurier à Tenerife (îles Canaries) en quête d’ »arrièrisme » :
– « Buenos dias, donde es el arrière-pays ? »*
(*Bonjour, où est l’arrière-pays)

Autochtone :
– « détras del supermercado »**
(** derrière le supermarché)

Aventurier derrière le supermarché
– Bonjour, où est l’arrière-pays ?

Autochtone :
– Derrière les immeubles.

Aventurier derrière les immeubles :
– Bonjour, où est l’arrière-pays ?

Autochtone :
– Derrière la boite de nuit

Aventurier derrière la boite de nuit :
– Bonjour autochtone, est-ce que c’est l’arrière-pays, ici ? Ca y ressemble.

Autochtone
– Ça l’était jusqu’à votre arrivée.



3) Un tourisme « écologique » aux Canaries ?

Ceci est une pure expérience pavlovienne. En deux temps.

Le conditionnement tout d’abord. Prenons un échantillon représentatif de Capversiens auquel on soumet le mot « Canaries ». Comme un seul homme, l’échantillon répond : touristes hors-sol, vaches à lait, stabulation, plagistes en batterie, appartementpartagé@grosseanarque, etc. (moins un qui dit : « Football Club de Nantes »)
Le conditionnement est là. Pré-existant à l’expérience et à notre départ aux Canaries ce 3 avril.

Le second, maintenant. Plus difficile. Le déconditionnement plus le re-conditionnement. Le réflexe conditionné recherché est : La Gomera, Canaries, l’île sauvage, paradis des randonneurs.

Au boulot, voici mes arguments.
La Gomera s’affiche – sites web, sacs en papier pour faire ses courses, brochures –, comme « l’île écologique et magique ». Écologique en quoi ?
S’agirait-il d’un positionnement stratégique, un créneau de niche pour attirer le touriste bioionique (Wan-wan-wan-wan-wang, je fais la bande-son) aux pieds de Vibram et à la peau de Gore-Tex ; Un positionnement visant à se démarquer des îles voisines qui ont drainé le tourisme des plagistes léthargiques à grands renforts de barres en béton face à la mer, d’escalators pour rejoindre les plages en contre-bas (véridique !) de voiturettes pour les anciens à la mobilité réduite ? Ou bien s’agit-il d’une démarche de militants cherchant à préserver leur île des dégâts du tourisme ?

arbrehoriz

arbrehoriz

Visiblement, les deux. D’ailleurs, d’après ce que je crois comprendre du site www.ecoturismocanarias.com/gomera, l’initiative de cette démarche visant à faire de La Gomera une île « écologique et magique » est à mettre à l’actif d’une poignée de militants qui se sont regroupés en association et qui ont su réunir les « forces vives » comme on dit – sociales, économiques et politiques (pour faire court) –, de l’île.
Ainsi, cette démarche se revendique-t-elle du développement durable : il ne s’agit pas d’opposer la conservation du patrimoine culturel et naturel de l’île au développement économique par le tourisme, mais bien de tenter, au mieux, de concilier les deux.
Le site présente la démarche en 3 phases. La phase 1, principalement d’élaboration du plan d’action et d’information, prévue en 1999-2000 est présentée par le détail. Et nous avons pu voir sur place certains résultats : tri sélectif des déchets (sauf les bagnoles, visiblement), sacs en papiers recyclés au détriment du plastique, action favorisant le commerce équitable… accompagné d’une campagne d’information et de sensibilisation de la population.
Étonnement, la phase 2 (2001-2003) et la phase 3 (2003-) restent vides sur ce même site. Est-ce à dire que la phase 1 s’est enlisée ? Ou bien que le Wenmaster a pris du retard sur les réalités du terrain ?

Là, je le reconnais, j’aurais du faire montre du même travail d’investigation qu’Alain. Aller interroger les acteurs de la chose sur le pourquoi du comment. Mais les jours fériés de Pâques, nombreux en Espagne ont eu le don de fermer les portes du centre écologique à chacune de mes apparitions.

Notre observation – beaucoup trop courte et légère – ne nous autorise que des hypothèses sur l’expérience de La Gomera. L’île, s’est sûr, à réussi à se faire connaître d’un tourisme de randonneurs. Il est d’ailleurs surprenant d’observer les pieds des vacanciers dans le port d’embarquement sur l’île de Ténérife (Los Christianos) et ceux des vacanciers dans le port de débarquement sur l’île de La Gomera (San Sebastian) : tongues d’un côté, chaussures de marche de l’autre. Le cercle vertueux semble s’installer : une offre touristique qui se veut écologique attire des touristes respectueux de la nature et du patrimoine culturel et qui rendent profitable ce projet. Ainsi, populations locales et touristes prennent leur part dans le développement de ce tourisme durable. La population locale en prenant l’initiative de se positionner sur ce créneau. Le touriste en affirmant une demande pour celui-ci.

Ici s’arrête notre maigre contribution à « Laval, centre mondial de réflexion sur le tourisme »…pardon, « Laval, centre de réflexion sur le tourisme mondial », je me trompe toujours.

Et puis, faut pas exagérer non plus, j’ai payé pour consommer ! Alors, je vous laisse là, j’ai une rando à aller titiller, des éléments à aller recueillir pour préparer la seconde étape de votre re-conditionnement.
« Canaries ? » OK, « Football Club de Nantes ». C’est pas gagné ! J’y vais.

A bientôt pour un chapitre moins cérébral et plus physique : la rando sur La Gomera, quel type, comment, budget, etc.

Sylvain

Les Canaries par Sylvain (suite et fn)

4 final) Randonnée à la Gomera, mode d’emploi

marcheurs

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Résumé des chapitres précédents : La Gomera, île des Canaries, s’est positionnée sur le créneau écolo et rando.

Voici maintenant le chapitre : Randonnée à la Gomera, mode d’emploi.

La morphologie de l’île donne un premier aperçu du menu offert au randonneur. D’une jolie forme ronde et conique liée à son ancienne activité volcanique et de dimension modeste (25 km de diamètre), l’île présente une topographie très tourmentée avec de multiples pics entre 800 et 1200 mètres.

L’approche de l’île en bateau, offre cependant une vision un peu inquiétante. A première vue, la faune, la flore et la géologie se résument à une espèce : le caillou. Le basalte plus exactement, qui se présente ici et là en de magnifiques orgues. L’habitat est rare, maisons concentrées autour du port et une ou deux baraques noyées dans l’immensité des flancs rocheux de l’île.
Alors, le séjour à la Gomera, un remake du film « Papillon » ?

maison

maison

C’est un peu se tromper.
Tout d’abord parce que le Nord de l’île, caressé par les alizés de l’Atlantique bénéficie d’un climat plus humide dont sait profiter à plein sa flore méditerranéenne : cactus, palmiers…
Le centre de l’île est quant à lui couvert d’une forêt de lauriers sylvestres (« laurisilva ») et de bruyères. Unique au monde, la forêt est inscrite au patrimoine de l’Humanité par l’Unesco. Cette flore unique est due à la couronne de nuage qui chapeaute en permanence le sommet de l’île, créant ainsi des conditions d’hygrométrie particulières.
Bon, j’arrête là mon commentaire « Connaissances du monde » pour enfiler les chaussures. Venons-en aux faits !

Le relief tourmenté de l’île et la diversité de sa faune et flore offrent de spectaculaires randonnées : grimper un abrupt flanc de vallée pierreux orienté au sud, crapahuter sur un plateau rocheux écrasé par le soleil pour dévaler le versant d’une autre vallée plus verdoyant et terminer dans le lit d’une vallée encaissée, consacré aux cultures (vignes, pommes de terre…) au prix d’un lourd travail de terrassement et d’irrigation.
L’office du tourisme a balisé une dizaine de sentiers qui sont décrits (avec photos à l’appui) sur le site www.ecoturismocanarias.com/gomera.

D’autre part, les options pour le randonneur sont multiples :
– se baser toute la semaine dans un village et profiter des nombreux bus locaux pour aller randonner à la journée,
– changer de camp de base de tant à autre puis pérégriner à la journée « en marguerite »,
– se faire déposer par le bus sur un départ de sentier puis randonner avec tout son chargement jusqu’à une ville d’étape.
Nous optâmes pour les deux dernières options. La tente, les duvets, les tapis de sol, trimbalés dans le sac n’ont pas servi. Camping sauvage interdit dans le parc national (la forêt de lauriers sylvestres), peu praticable dans la nature (du caillou, du caillou !) et visiblement peu souhaité par les habitants dans les hameaux.

Éreintés par la rando, vous pourrez glandouiller dans les petits villages de montagne ou de pêcheurs. Les plages de sable (noir, volcanique) sont fréquentées par un public familial et clairsemé. La faune marine, vue de la surface (masque et tuba) n’est pas indonésienne, mais est à même de ravir un nageur de Bretagne.

Les rencontres avec les Canariens ont été agréables. Les habitants se sont montrés coopératifs pour nous aider à surmonter nos difficultés. Un vocabulaire limité à « pero », et « porque », requiert efforts, patience et bonne volonté des deux côtés. Ils en ont eu. Le stop, le vendredi de Pâques a été un succès.

Côté climat, l’archipel est surnommé « l’archipel de l’éternel printemps » (ou quelque chose d’approchant). Hormis l’été qui peut être chaud, les températures restent clémentes toute l’année entre 20 et 25 degrés.
Les fringues sont celles classiques du randonneur : la technique de la multicouche, avec pour couches supérieures une polaire (nuits fraîches en altitude) et un coupe-vent imperméable.

Côté budget, nous sommes en Europe et qui plus est dans une île. La monnaie est l’euro ou plutôt le « vente euros », le 20 euros.
Peu dépensiers, vous devrez tabler sur un budget minimum journalier pour deux de 75 € : 30 € pour une chambre double en pension (chiottes sur le palier) + 30 € pour la bouffe (pique-nique le midi, petit restau de poisson le soir) +15 € pour le transport (dont 90 € AR bus + ferry pour rejoindre la Gomera de Ténérife).
A cela s’ajoute l’avion, mais la destination est coutumière des offres promotionnelles (les sites www.réchauffementdelaplanète.com habituels). Tabler sur 300 € AR en haute saison hors promo.

Si la Gomera ne peut pas rivaliser avec la Réunion, l’île constitue bien une destination de choix au plan de la biodiversité et des possibilités de découverte nature (encore des accents Connaissances du monde, cette phrase !)

Voilà, c’est fini pour le déconditionnement puis le reconditionnement.

Rassurez-moi, je dis « Canaries », vous répondez…